[ INTERVIEW ] MATTEO SATTA: l’expert de Projets Européens

Ses études à Science Po « à l’international » l’ont amené à s’intéresser aux programmes de financement de la Commission Européenne.

Son intérêt pour ces programmes lui ouvre la porte du bureau des affaires européennes de l’Ecole Polytechnique de Turin, premier pas vers une expérience qui le mènera à contribuer à la gestion et au développement de nombreux projets européens et internationaux dans le domaine des technologies numériques, tels que la Nuit des Chercheurs à Turin (Italie), et de programmes de licence, tels que l’MP3 et la TNT.

En 2014, il arrive à Issy-les-Moulineaux pour gérer et développer la participation de la Ville au niveau européen et international, se concentrant plus particulièrement sur l’innovation numérique dans les Smart Cities.

Maintenant, riche de cette expérience, il décide de devenir consultant indépendant, pour offrir sur une plus large échelle son expérience dans le domaine des programmes européens et de l’innovation numérique.

Et donc, converser avec lui sur son expérience au quotidien avec le numérique est une manière très intéressante pour mieux comprendre ce qu’est aujourd’hui l’état de l’art dans ce domaine.

 

 

Matteo Satta

Bonjour Matteo. Quand avez-vous commencé à utiliser les technologies numériques dans votre activité ?

Je crois faire partie de la première génération qui a affronté tôt le numérique.

J’ai encore le souvenir du Commodore 64 qui m’avait été offert au collège, mais c’est mon année de High School aux Etats-Unis, en 1996, qui a été déterminante pour mon expérience à l’utilisation du numérique. Grâce à l’internet, à ma grande joie, j’arrivais à connaître immédiatement les résultats des matchs de foot.

Cela a été mon premier impact décisif avec internet.

Par la suite j’ai utilisé ces connaissances à l’université pour mes travaux pratiques d’étudiant.

Je peux dire que, professionnellement, je n’ai pas le souvenir d’un jour sans numérique, donc je ne connais pas le monde du travail « prénumérique ».

Aujourd’hui pourriez-vous vous passer du numérique pour votre activité ?

Non, je ne peux absolument pas m’en passer.

En effet, je considère que mon travail est de rendre plus accessibles les technologies numériques et, donc, faire en sorte que l’usage soit plus simple. Au cours de ces dernières années, à Issy, le travail m’a poussé à m’intéresser au monde des données, un monde qui reste encore peu connu de la grande majorité des gens, même dans le monde du travail.

C’est là que j’ai vraiment réalisé que, non seulement je ne peux pas me passer de la technologie, mais que je dois aider les autres à s’y faire.

Il n’est plus possible de s’en passer, mais nous devons absolument nous emparer de la technologie pour la gérer.

Il faut la dominer et ne pas nous laisser gérer et dominer par elle.

Quelle importance a eu la formation spécifique dans le développement de vos compétences numériques ?

Je n’ai pas fait de formation spécifique dans ce domaine, c’est en travaillant que, au fur et à mesure, je me suis approprié de tous les instruments nécessaires.

Évidemment, j’ai pu profiter de l’expérience de personnes qui m’ont beaucoup aidé.

Mais disons que je me suis souvent trouvé dans la situation de former les autres plutôt que le contraire.

Est-ce que vous pensez que le niveau de l’éducation digitale est suffisant dans l’environnement professionnel (et en général) ?

Le besoin d’éducation dans le numérique est très élevé.

J’évoquais les données dans les questions précédentes, c’est un vrai exemple.

Selon un projet, appelé « Data Literacy project »76% des décideurs (dans le secteur public et privé) a souvent du mal à lire, travailler, analyser les données.

Je vous laisse imaginer les autres.

Quand vous parlez à quelqu’un de l’open data, les personnes sont souvent tellement mal à l’aise que les réactions sont presque amusantes.

La COVID-19 et sa crise ont montré à quel point ce problème est évident au niveau professionnel (les journalistes, les hommes politiques…) et plus en général.

Nous avons écrit un article ensemble à ce sujet, qui mettait l’accent sur ce « vide ».

L’Europe joue un rôle central dans ce contexte.

Souvent elle est perçue comme lente, ce qui est en partie vrai, mais la plupart du monde ignore les efforts faits pour la digitalisation.

En effet, à présent, quand on travaille avec Bruxelles, c’est souvent du zéro papier et les audits ne sont qu’une mesure de contrôle ; dès qu’un ministère ou une région sont impliqués, tout devient beaucoup plus bureaucratique.

Cela est un simple exemple de comment les instances les plus proches de nous doivent peu à peu évoluer, puisque la population a besoin d’être guidée vers cette digitalisation.

Issy-les-Moulineaux, où j’ai eu la chance de travailler, est un exemple vraiment très positif soit dans l’usage du numérique que dans la pédagogie pour ceux qui rencontrent plus de difficultés.

La participation aux projets européens n’est pas un hasard. C’est, malgré tout, un exemple un peu (trop) isolé.

Quelle technologie, à votre avis, aura l’impact majeur dans notre quotidien d’ici à cinq ans ?

Nous sommes dans une période qui me semble aller vers des formes de boulimie technologique.

On passe notre temps à imaginer de nouvelles technologies, je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette approche. Je pense que nous avons besoin d’un changement de paradigme, l’usage doit vraiment dépasser cette vision techno.

À ce jour, nous avons énormément de technologies qui ne sont encore que déployées ou utilisées à moitié, comme l’Internet des Objets, l’Intelligence Artificielle, la Blockchain, sans parler de l’innovation non digitale, quand on commence à parler de drones qui devraient devenir des hélicoptères autonomes qui accompagnent les enfants à l’école.

Cette boulimie fait un peu peur aux gens et il faudrait l’éviter. En plus, une voiture autonome et/ou électrique n’est pas une solution, au moins socialement.

Nos villes risquent de devenir de plus en plus peuplées, ce qui demandera de les désengorger et les changer le plus possible.

En outre, il y a le thème environnemental. La théorie de la ville des 15 minutes est un exemple.

Je pense que ce qui prendra de plus en plus d’importance est la donnée et, par conséquent, l’intelligence artificielle. Tous les outils numériques, surtout les smartphones, fabriquent une quantité énorme de données qui sont une ressource et un problème.

En effet, il faudra apprendre à utiliser ces données, mais sans entrer dans la vie privée des gens. En Europe, les discussions dans ce domaine sont à l’ordre du jour, mais il y a encore beaucoup à faire.

Vous vous voyez où, professionnellement, dans dix ans ?

Ce n’est jamais simple de répondre à ce genre de question.

Surtout actuellement, alors que je viens tout juste de me lancer dans une nouvelle aventure, en tant que consultant indépendant dans la Smart City et les affaires européennes.

Mon ambition est d’aider à faire avancer le « projet européen » et de donner ma contribution à la coopération entre Italie et France.

Naturellement, dans les domaines de ma compétence, donc la Smart City, plus particulièrement les données et la mobilité.

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